("Non, pas comme ça ...")
Risquons-nous de perdre notre mémoire numérique?
« Les langues sacrées ont laissé lire leur vocabulaire perdu ; jusque sur les granits de Mezraïm, Champollion a déchiffré ces hiéroglyphes qui semblait être un sceau mis sur les lèvres du désert, et qui répondait de leur éternelle discrétion ». Cette phrase de Chateaubriand tirée des Mémoires d’Outre-Tombe rappelle comment la mémoire d’une civilisation peut rester inaccessible. L’histoire de l’Egypte antique est ainsi restée murée dans les hiéroglyphes pendant 14 siècles. Avec le numérique, sorte d’espéranto mondial apporté par l’informatique, un tel phénomène semble devenu définitivement impossible. En réalité, la situation de l’archivage des quantités astronomiques de données produites par la société d’aujourd’hui pose d’autres problèmes tout aussi ou parfois encore plus épineux que celui auquel s’est confronté Champollion. Avec le risque suprême de la disparition de la pierre de Rosette salvatrice.
Contrairement aux langues, le numérique se développe dans un contexte beaucoup plus débridé. L’apparence de norme universelle fondée sur les zéros et les uns qui composent le code binaire masque une multitude de pratiques beaucoup moins standardisées. Avec le temps, une part importante de la production numérique actuelle pourrait devenir inaccessible. Des institutions aussi prestigieuses que la Nasa sont déjà confrontées à ce problème. Ainsi, les données datant de la construction des sondes Pionner lancées dans les années 1970 sont devenus illisibles par les équipes du Jet Propulsion Laboratory qui les ont exhumées pour résoudre un problème technique rencontrées par les sondes.
Cet exemple, cité par Sylvain Lumbroso, président de Quadrivium, une association pur la diffusion de la science, illustre parfaitement le thème des rencontres Répliques Art-Science organisées par l’Ircam du 12 au 14 juin 2013 et dont il est l’un des coordinateurs.
Comment échapper au « Digital Dark Age » qui désigne la situation dans laquelle les données électroniques seront devenues illisibles en raison de supports caducs et de formats oubliés ?
Des solutions existent-elles pour éviter le trou noir numérique et assurer la pérennité de l’accès à ces données malgré la permanente évolution des langages informatiques et des normes de protection contre la copie des productions numériques ?
Au contraire, le développement anarchique de l’informatique menace-t-il la mémoire électronique d’une sorte d’ « oubli numérique » ?
Science publique, Michel Alberganti
http://www.francecul...ique-2013-06-07